Venez voir ...

Samedi  a été une journée riche en rencontres, notamment pendant la matinée, après la lecture des textes écrits à partir de trois de mes  photos présentées cet automne à la bibliothéque de Caen . J'ai donc rencontré Camille Coulombier jeune étudiante en Lettres Modernes avec qui je vais collaborer prochainement sur de futures photos. Je vous présente son texte inspiré de cette photo prise à Chingetti, Mauritanie.

De vivants déserts

La Terre est bleue comme une orange, disait le poète. Sur la craie illuminée de rouille par le soleil cuisant, s’ouvre la nuit épousant l’asphalte serpentin que la gueule lointaine des montagnes séculaires avale. Un vent chaud assèche les gorges jusque dans l’habitacle de la voiture qu’une traîne blanche, écumante de poussière, poursuit jusqu’à perdre haleine. Cette vielle mariée tragique, au maquillage écaillé, fuit, en me portant dans son sein, la ville qui ne veut plus d’elle. Moi, son amant de toujours, je viens avec elle agoniser dans le ventre brûlant du désert. Le silence lourd de vies invisibles ploie sous les crissements d’insectes – à peine perceptibles – qui semblent filtrer de la terre.

Au-delà de la bouche martiale rocailleuse s’ouvre un univers chaleureux que jamais l’exilé n’aurait pu soupçonner. Un palais troglodyte digne de celui de Shéhérazade se découpe, imposant et majestueux, sous l’orbe solaire. L’ocre roche finement ciselée comme à la lime, semble irréelle. Un rêve. Une chimère. Que cela pourrait-il être d’autre ? Mais déjà, l’homme au visage et aux mains parcheminés, adossé aux escaliers de sable clair avec la digne nonchalance que l’on ne prête qu’à la vieillesse des êtres de ces régions, invite le voyageur, dans une antique langue babylonienne, à découvrir plus avant ce néant superbe, cet ordre parfait qui, sous couvert d’illusions, d’illogisme et de rigueur, ouvre l’accès magique aux merveilles de notre nature profonde, visitée par les seuls voyageurs ou rêveurs.

Camille Coulombier